Je ne suis pas assez souple pour faire du yoga !

L’image du yoga a fortement évolué ces dernières années. Du yogi méditant en tailleur aux incroyables inversions de yoginis sur fond mer, la représentation qu’on se fait du yoga est passée de la sagesse à la démonstration de souplesse acrobatique .

YouTube et Instagram, vecteurs d’une nouvelle image du yoga

YouTube et surtout instagram ont beaucoup contribué à ce changement.

Il suffit de taper « #yoga » dans le moteur de recherche d’Instagram pour voir apparaître des photos parfaites de postures qui défient la gravité et repoussent les limites de la souplesse des corps.

En témoigne la photo ci-contre, capture de la requête #yoga dans Instagram le 30/08/2021.

On y voit :

  • une variation de pinchasana, l’équilibre sur les avant-bras (en noir)
  • un parivrtta surya yantrasana, la posture de la boussole (sous les arbres)
  • un marichyasana 2 (sur le tapis blanc)
  • un chakrasana, le pont
  • un eka pada rajakapotasana, variante moderne du pigeon
  • etc

Presque toutes les postures des premiers résultats de la requête sont des inversions, des flexions du dos ou des équilibres acrobatiques.

Revenir aux origines du yoga

Cette image d’Epinal autour du yoga entraîne complexes et préjugés qui empêchent parfois de pousser la porte d’un studio, voir même de prendre des cours en ligne, pourtant chez soi, à l’abri des regards.

En tant que prof de yoga, lorsqu’on rencontre des néophytes qui s’intéressent au yoga, souvent ils se penchent en avant, le dos bien rond et les bras pendant en nous disant : « je ne peux pas faire du yoga, je ne suis pas souple ! ».

« Je ne peux pas faire du yoga », comme si la condition sine qua none pour faire du yoga était la souplesse.

Définition du « yoga »

Le mot yoga vient du mot « yuj » en sanskrit. Ce mot signifie « union ». Il a donné des dérivés en français dont le mot « joug », qui désigne à l’origine une pièce de bois qui permettait d’atteler des animaux de trait. Le yoga est l’union du corps et de l’esprit.

yoga citta vrtti nirodhah

Patanjali

Il a également été décrit par Patanjali comme l’arrêt des fluctuations du mental : yogah citta vrtti nirodhah.

Cela signifie que le yoga est un état particulier où l’agitation des pensées cesse de parasiter le mental. Le yoga est donc un chemin à travers lequel les asanas sont une étape.

Les 8 membres du yoga

Le chemin du yoga comprend en effet 8 « étapes » décrites dans l’article les 8 membres du yoga.

La pratique physique, troisième des piliers du yoga, doit servir le chemin vers la huitième étape : le samadhi.

Elle permet d’assouplir et de discipliner suffisamment le corps pour tenir les postures de méditation. En effet, les postures de méditation traditionnelles sont la posture du tailleur (sukhasana), la posture parfaite (siddhasana) ou le lotus (padmasana). Tenues longtemps, ces postures peuvent devenir inconfortables. Hors, Pantajali, décrit la posture de méditation (qui nomme « asana ») comme ferme et confortable : sthira sukham asanam La pratique physique du yoga permet de tenir ces postures plus longtemps.

Le yoga n’est donc pas la recherche de postures d’équilibres sur la tête !

Construire sa pratique

Tous les type de yoga sont des hatha yoga.

La traduction du sanskrit

  • hatha : violence, obstination, mais aussi persévérance, effort

La pratique posturale du yoga est donc un yoga d' »effort ».

Un effort qui paie…

Les élèves les moins souples qui débutent le yoga constatent rapidement des progrès dans leur souplesse et un bien-être corporel général. Souvent, ce sont dans les gestes du quotidien qu’ils constatent une meilleure amplitude dans leur mouvement. Citons ici Angélique, une élève qui m’a dit, après 4 ou 5 séances de yoga du réveil… « Je me suis aperçue que je me suis assouplie quand j’ai fait un créneau hier pour aller chercher mes enfants à l’école : je me suis retournée sans effort, sans contrainte, dans douleur dans les cervicales ! ». Ce sont ces progrès qui encouragent à la pratique et mènent à la régularité.

En effet, dès les premiers cours, le corps se « détoxifie ». Les mouvements et le souffle libèrent les articulations et le corps retrouve rapidement sa souplesse naturelle. Il n’est pas rare ensuite que l’élève rencontre un « plateau » dans sa « progression ». Les mots sont volontairement mis entre guillemets puisqu’on ne doit pas attendre de progression linéaire en yoga.

…mais qui dépend de son « histoire corporelle »

Nous ne sommes pas tous égaux face à la souplesse. Certaines personnes naissent avec une souplesse hors normes, et la conservent toute leur vie. D’autres au contraire naissent avec une morphologie plus « fermée ». Cela ne signifie pas que le yoga ne soit pas fait pour eux. On peut adapter la pratique à n’importe quel corps, et rappelons encore une fois que le yoga ne se limite pas au travail postural.

Notre histoire corporelle est également un facteur déterminant dans la souplesse. Des traumatismes physiques (blessures ou accident) ou psychiques (comme le stress, une dépression, un choc émotionnel) ont des répercussions sur le corps. Tout comme les actions de la vie quotidienne. Pratiquer tous les jours permet de constater les conséquences de petits événements sur notre corps. Une contrariété, un repas trop gras, un excès d’alcool ou une mauvaise nuit vont jouer sur la flexibilité du corps. Rien que le yoga ne puisse dissiper !

…et qui ne s’arrête pas au tapis !

La souplesse d’un corps n’est jamais acquise. Chacun aura déjà pu le constater au retour de quelques semaines de pause. Le chemin du yoga lui non plus n’est pas un long fleuve tranquille. Et pourtant il participe de la souplesse de notre corps et de notre tête.

Au delà de l’aspect postural, le yoga nous permet de relâcher les tensions et d’apaiser notre esprit. Être plus « zen » permet d’avoir un corps plus souple ! Faites le test en participant par exemple à un cours de Yin Yoga, dans lequel on « dépose » le psychisme grâce à la concentration sur la respiration. Pendant les cours de yoga, on mobilise particulièrement le pranayama (la respiration), pratyara (le recentrage vers soi) et dhanara (la concentration). Ces 3 « outils » du yoga sont plus faciles à expérimenter lors d’un cours de yin. Vous pourrez ainsi en apprivoiser les techniques et les utiliser dans d’autres formes de yoga, mais aussi dans la vie quotidienne. Vous en ressentirez rapidement les effets sur le tapis.

Se méfier de la facilité

On pense souvent que le yoga est plus accessible aux personnes naturellement souples. Et en effet, ceux qu’on appelle les « hyperlaxes » et qui ont une flexibilité excessive des articulations parviennent facilement à réaliser des postures iconiques. Ils excellent rapidement dans hanumanasana le grand écart, dans eka pada rajakapotasana le pigeon royal, ou encore dans chakrasana le pont.

Il existe cependant des limites à cette facilité. L’hyperlaxité qui peut être dangereuse. Les articulations peuvent subir des traumsitmes d’autant plus important que leurs limites sont repoussées. Les néo-pratiquants rencontrent un problème de maturité dans la pratique qui les poussent à la blessure. En effet, ils n’ont pas le temps d’intégrer la notion de patience et de bienveillance et d’appréhender un chemin vers le yoga. Quand on est moins souple, on applique beaucoup plus facilement les nyamas qui sont la recherche de l’harmonie avec soi et la non-violence envers son propre corps. Les pratiquants les moins souples avancent dans la pratique parfois avec plus de profondeur et de maturité. Citons en exemple Geeta Iyengar : « à chaque fois qu’on se sent limité par la raideur de notre corps, notre mental doit faire preuve d’une souplesse accrue ». Cette souplesse du mental, c’est l’arrêt des fluctuations du mental de Patanjali dont nous parlions plus haut.

Bien choisir son cours pour démarrer le yoga

Il existe de nombreux types de yoga : vinyasa yoga, yin yoga, ashtanga yoga, yoga Iyengar, etc. Ce sont des pratiques de durées et d’intensité différentes.

Pour bien démarrer le yoga, il s’agit donc de bien choisir son cours. Même si on peut tout à fait débuter le yoga par de l’Iyengar ou de l’ashtanga, on peut aussi, dans le respect de son corps, commencer par des cours de yoga du matin pour déverrouiller le corps, puis ajouter ou remplacer par un yoga vinyasa débutant, avant de poursuivre son chemin vers des cours intermédiaires ou s’ouvrir à d’autres types de yoga comment l’ashtanga.

Commencer dans un cours débutant pour permettra de pratiquer des postures accessibles, détaillées, et dans un rythme plus doux.

Vous vous rendrez compte également qu’il existe plusieurs familles de postures, dans lesquelles parfois la souplesse n’est pas nécessaire !

La pratique régulière du yoga ne nous permet pas nécessairement de former « une posture « idéale », mais d’atteindre la souplesse que notre corps peut nous offrir » (Bernie Clark, Votre corps, votre yoga, Vigot, 2019).

Pour finir, quel que soit votre yoga ou votre niveau de pratique, ne cédez pas à la comparaison.

« Vous êtes unique, votre corps aussi ! »

Bernie Clark