Les postures de yoga se distinguent d’une simple activité physique par plusieurs caractéristiques. Pour Patanjali, l’asana doit être stable et confortable. On peut ajouter le souffle qui doit être en cohérence avec le mouvement, la stabilité de l’esprit et enfin la position du regard, le drishti.
Intéressons-nous à cet élément essentiel et pourtant mal connu du troisième pilier du yoga.
Qu’est-ce que le drishti ?
La traduction du sanskrit :
- drishti : la vue, la concentration du regard
Dans la tradition indienne, les yeux sont la porte du mental. S’ils sont soumis à une distraction, alors l’esprit s’échappe et perd sa concentration. C’est pourquoi le drishti est important dans la pratique du yoga. Dans la pratique posturale, mais pas que : le drishti est également utilisé en pranayama et dans certaines méditations.
Si vous pratiquez l’ashtanga yoga, vous avez nécessairement entendu parler de l’importance du regard dans les asanas.
Prenez le temps d’observer ci-contre le placement du regard de Petri Raisanen, l’un des Ashtangi les plus expérimentés du monde actuel.
La direction est précise, les yeux concentrés sur un point, différent pour chaque posture.
L’importance du drishti dans la posture
Le regard donne la direction au corps, en yoga comme dans la vie courante. Souvenez-vous de vos premières sorties à vélo : ne vous a-t-on pas dit de ne pas regarder l’obstacle pour les éviter ? Le cerveau cale le mouvement grâce aux informations qu’il reçoit des yeux, ce capteur aux 576 milliards de pixels (pour les geeks).
On comprend alors que le regard est indispensable à l’asana. C’est lui qui va conduire le corps dans la bonne direction et nous aider à corriger notre posture.
Le drishti va également nous permettre de maintenir notre concentration. En effet, pendant une session de yoga, en studio ou à la maison, qui n’a jamais expérimenté une « chute » d’un équilibre parce que le regard a soudainement été attiré par un mouvement à travers la fenêtre ou perturbé par les « sautillements » de l’élève placé juste devant vous ?
Placer son regard sur un point, un objet ou une partie du corps permet d’avoir un support de concentration et de « rester dans sa bulle ». On parle bien de « poser son regard » : il ne doit y avoir aucune force, aucun effort particulier sur cette action.
Les 9 drishtis principaux
- nasagra drishti
- urdhva drishti
- bhrumadhye drishti
- nabhi chakra drishti
- angusthamadhye drishti
- hastagre drishti
- padayoragre drishti
- deux parsva drishti
Nous les mobilisons tour à tour dans les différentes familles d’asanas. Les équilibres, les flexions avant, les flexions dorsales, les torsions et les postures au sol ne font pas appel aux mêmes drishtis.
Voyons en détail ces différents drishtis.
Nasagra drishti, le regard au bout du nez
- nasagra : le bout du nez
Le regard est au bout du nez.
Ce drishti est mobilisé :
- en méditation : on fixe le bout du nez avant de fermer les yeux pour maintenir la position des yeux
- dans les asanas : dans les postures inversées (par exemple uttanasana la flexion avant debout, ou sirsasana la posture sur la tête), et les postures arrière (danurasana l’arc inversé, ustrasana la posture du chameau, etc.).
Urdhva drishti, le regard au ciel
- urdhva : haut
Le regard est dirigé vers le ciel. Il est mobilisé dans certaines postures d’équilibre comme ardha chandrasana.
Bhrumadhye drishti, le regard vers Ajna le 3ème oeil
- bhrumadhye : le milieu des sourcis
Au centre des sourcils se trouve Anja, notre 3ème oeil. Le regard est dirigé vers notre centre de la concentration et de l’intuition essentiellement dans les postures de méditation, sukhasana ou siddhasana.
Nabhi chakra drishti, le regard au nombril
- nabhi : le nombril
- chakra : la roue (énergétique)
- nabhi chakra : le centre énergétique du plexus solaire
Même si ce drishti est désigné par le nombril, le regard doit se poser légèrement au-dessus de celui-ci, vers manipura chakra. On convoque ce regard dans adho mukha svavasana le chien tête en bas ou dans sarvangasana la chandelle.
Angusthamadhye drishti, le regard vers les pouces
- angusthamadhye : le pouce
C’est le premier drishti qu’on apprend en yoga, et pour cause : il est présent dans le premier asana de la salutation au soleil ! En effet, c’est le regard qu’on place dans urdhva hastasana, la posture des mains vers le ciel. Il consiste à regarder vers les pouce, la plupart du temps la tête orientée vers le ciel.
On le retrouve également dans le virabhadrasana 1, le premier guerrier, ou dans utkatasana la posture de la chaise.
Hastagre drishti, le regard au bout des mains
- hastagre : le bout des doigts
Le regard est porté vers l’extrémité du majeur. On le retrouve dans utthita trikonasana la posture du triangle en extension, parvrtta trikonasana le triangle en torsion ou dans virabhadransa 2 le guerrier 2.
Padayoragre drishti, le regard au gros orteil
- padayoragre : les orteils
Le regard est porté aux orteils dans la plupart des postures assises. On le rencontre dans paschimottanasana le grand étirement de l’ouest, dans la série des janusirsana les postures de la tête au genou (qu’on trouve par exemple dans la série 1 de l’ashtanga vinyasa yoga) ou dans navasana le bateau (votre posture préférée, non ?).
Les deux Parsva drishti, le regard vers le côté, à droite ou à gauche
- parsva : côté
Le regard est projeté à l’horizon, d’un côté ou de l’autre corps, à droite ou à gauche. On retrouve ce drishti dans utthita hasta padanagusthasana 2, la posture du pied à la main en équilibre, jambe ouverte : le regard se porte à l’opposé de la jambe. On le retrouve également dans pasasana, la posture du noeud coulant.
Les dridhtis sont indispensables à la réalisation des asanas. Ils en sont une partie intégrante. Ils permettent une meilleure tenue des postures et aident le pratiquant à respecter leur anatomie et à entrer plus profondément dans la posture.